Dans les salles du premier étage du musée se trouvent plusieurs tapis du Caucase.
Caractérisés par des coloris chatoyants et des décors géométriques, ces tapis, longtemps dédaignés face aux réalisations persanes d’une exécution plus raffinée sont cependant plus rares et nous permettent de découvrir le style de cette zone géographique montagneuse.
Limite conventionnelle entre l’Europe et l’Asie, entre la mer Noire et la mer Caspienne, le Caucase a vu se développer une production originale de tapis fabriqués par les populations nomades et semi nomades. Ils appartiennent à la famille des tapis noués réalisés par les femmes chez les populations pastorales et quelques fois les hommes dans les manufactures, sous l’autorité d’un maitre d’œuvre nommé l’ustad.
Selon un procédé de fabrication commun à tous les tapis noués, le travail évolue de bas en haut sur un métier constitué de deux barres ou ensouples sur lesquelles sont fixés les fils de chaine verticaux. Les populations nomades utilisent plus volontiers le métier horizontal facile à transporter. C’est sur une trame que l’artisan va nouer les fils de chaîne qui formeront les dessins du tapis. Des fils sont placés transversalement pour maintenir l’ensemble, assurant la tenue des nœuds. Le rasage, étape quotidienne ou finale, est destiné à obtenir le velours. Les fils des nœuds sont alors coupés. Si l’artisan souhaite mettre en valeur les motifs, il rasera les fils plus courts. S’il préfère assurer une meilleure résistance au tapis, il leur laissera alors une certaine longueur, garante d’une plus grande solidité. La fabrication d’un tapis caucasien ne diffère donc pas des autres tapis orientaux. Seuls le nouage à concentration peu élevée, l’utilisation presque exclusive du nœud turc ou « ghiordès » qui s’enroule sur deux des fils de chaîne et l’usage spécifique de la laine comme matière première récemment concurrencée par le coton dans la production moderne apparaissent comme des procédés plus spécifiques. La soie, employée pour confectionner les tapis précieux de perse, n’entre pas dans la fabrication des exemplaires caucasiens. Cette production présente une variété de types nommés Kazak, Chirvan, Soumak ou Daghestan… du nom de la ville ou de la région dont ils proviennent. Ces appellations en usage dans le commerce permettent une classification de la production par types et motifs régionaux mais tendent à simplifier les méthodes de fabrication et de diffusion des produits.
Le type Soumac par exemple, englobe en réalité les créations de l’artisanat caucasien fabriquées dans diverses localités de cette vaste région. Les kazaks sont produits dans la petite ville de l’Azerbaïdjan situé au cœur du Caucase mais proviennent également des régions limitrophes. Malgré ces variantes qui tiennent souvent aux spécificités d’un motif ou à un type de composition, les tapis caucasiens sont facilement reconnaissables. Les premiers types dates des 16e et 17e siècles et formaient un ensemble cohérent (nommés tapis à dragon). Leur champ, cette partie centrale du tapis qui se distingue de la bordure est compartimentée de dragons souvent présentés dans des losanges ou sur leurs bordures délimitées par des rubans de teintes différentes. Peu à peu la forme de ces animaux s’est stylisée, simplifiée au point d’être réduite à des motifs abstraits. La production des 19e et 20e s. a suivi cette évolution. Les ornements végétaux et floraux sont résolument tournés vers la géométrisation, et leur sens symbolique est souvent devenu illisible. Ces motifs compartimentés dans des treillis ou organisés en bandes sont disposés selon des procédés décoratifs récurrents : la répétition d’un même motif individualisé par la couleur, le jeu de l’opposition des teintes ou celui de la mise en abyme, l’emboitement ou l’opposition. Quelques motifs propres à la production caucasienne reviennent également fréquemment : les bordures à verre à vin, les motifs à escalier, à bec d’Aigle ou à crochet, l’étoile de Medès… Autant de motifs déclinés selon un sens inné de l’abstraction géométrique.