Montfavet 1873 – Avignon 1940
Né dans une famille de propriétaires terriens installés dans le Vaucluse depuis plusieurs générations, Alfred Lesbros grandit au centre du village de Montfavet, non loin de la petite rue qui porte aujourd’hui son nom. Il comprend très tôt que la peinture est le but de sa vie.
Une fois installé définitivement à Avignon, en 1897, il suit les cours de Pierre Grivolas (1823-1906) à l’École des beaux-arts et se familiarise avec les principes de la peinture pointilliste : surfaces et touches de couleur séparées. Il aime également les fresques de Puvis de Chavannes au Panthéon, l’Art nouveau qui triomphe en 1900 ainsi que la liberté et la simplicité que déploient Gauguin, Toulouse-Lautrec ou encore Maurice Denis. Il admire les Fauves : Matisse, Marquet.
Lié d’amitié avec les peintres avignonnais Hurard, Meissonnier, Flour, Colombier, Lesbros rejoint le Groupe des Treize de Clément Brun. Dès 1915, il parvient à s’installer rue Baracane, dans un vaste atelier, et à se dédier totalement à son art. Il participe régulièrement, de 1922 à 1928, notamment grâce au soutien du critique Fritz-René Vanderpyl, au Salon des indépendants à Paris et au Salon d’automne. Soucieux de mettre l’art à la portée de tous, il réalise également des estampes, notamment au pochoir. Jean Angladon et Paulette Martin, d’une vingtaine d’années de moins que lui, lui demandent parfois conseil.
Lesbros peint les rues d’Avignon, leur joie, leurs couleurs, leurs atmosphères festives ou estivales, et la beauté de son quartier, celui de la place des Corps-Saints. Porté sur les motifs urbains, Lesbros prend conscience des insuffisances de la pochade sur nature, à la fois hâtive et trop appliquée, servile devant le réel. Peintre d’une « réalité poétique », il distingue vision directe et vision indirecte. Ainsi, à l’exactitude, il préfère « la vérité synthétique ». Il privilégie la simplicité, l’expressivité, l’épurement lentement élaboré : suppression de lignes, de nuances, de parties descriptives, au profit d’une synthèse finale qui lui semble plus forte. Ce cheminement, à la fois voulu et inconscient, a pour but de retrouver la fraicheur de l’impression première, non encore intellectualisée, vive comme une étincelle.
Ses couleurs, même dans l’ombre, sont puissantes, posées en touches larges, juxtaposées sans modelé, cernées fermement de noir ou de bleu. Sa naïveté est feinte, souvent riche d’indications amusantes. Selon Lesbros, « il faut, pour que le mystère soit apparent, des parties d’un premier aspect bien lisibles, qui soient comme le titre d’un livre et qui le résument en un coup d’œil, de même que pour donner de la lumière, il faut des ombres ». Il affectionne le contre-jour ou l’heure crépusculaire qui offrent un romantisme dramatique.
Sa vision élective – « du motif sur nature, on ne doit prendre que ce qui a motivé ce choix » – fonde son credo artistique : « belles formes, belles valeurs, belles couleurs ».
À son décès, Alfred Lesbros laisse un millier de toiles, ainsi que des carnets de notes qui révèlent la constance de ses préoccupations esthétiques, de ses recherches, de ses découvertes. Le Palais des papes lui consacre une rétrospective en 1981.